Enfin, le processus législatif arrive à son terme concernant le projet de loi sur les Droits d'Auteurs et Droits Voisins dans les Systèmes d'Informations. Cette loi va avoir des conséquence sur notre manière de consommer les produits culturel, je vous propose donc d'examiner un point clé de cette loi qui va tout changer. Par honnêteté intellectuelle, je signale que je suis contre la loi telle qu'elle est rédigée, mon propos est donc biaisé. Cependant, vous trouverez ce projet de loi sur le site de l'Assemblée Nationale.

La sanctuarisation des mesures techniques de protection

C'est un des points clés du projet de loi, censé garantir la juste rétributions des artistes et des ayant-droits.

Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 12/11/2003
[...]Le projet de loi institue également une protection juridique des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres : le contournement de ces dispositifs techniques est assimilé à de la contrefaçon. Les ayants droit peuvent ainsi bénéficier de la sécurité juridique nécessaire au développement de la diffusion de leurs œuvres dans l’univers numérique. Il est parallèlement créé un collège de médiateurs indépendants chargé de régler les différends éventuels liés à ces mesures techniques, notamment pour le bénéfice de l'exception pour copie privée, susceptibles de survenir entre les ayants droit et les usagers.[...]
Article actuel L332-1 du Code de la propriété intellectuel (Loi nº 98-536 du 1 juillet 1998 art. 4 Journal Officiel du 2 juillet 1998) (Loi nº 2004-575 du 21 juin 2004 art. 8 I Journal Officiel du 22 juin 2004)

Les commissaires de police et, dans les lieux où il n'y a pas de commissaire de police, les juges d'instance, sont tenus, à la demande de tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier, de ses ayants droit ou de ses ayants cause, de saisir les exemplaires constituant une reproduction illicite de cette oeuvre.

Si la saisie doit avoir pour effet de retarder ou de suspendre des représentations ou des exécutions publiques en cours ou déjà annoncées, une autorisation spéciale doit être obtenue du président du tribunal de grande instance, par ordonnance rendue sur requête. Le président du tribunal de grande instance peut également, dans la même forme, ordonner :

1º La suspension de toute fabrication en cours tendant à la reproduction illicite d'une oeuvre ;

2º La saisie, quels que soient le jour et l'heure, des exemplaires constituant une reproduction illicite de l'oeuvre, déjà fabriqués ou en cours de fabrication, des recettes réalisées, ainsi que des exemplaires illicitement utilisés ;

3º La saisie des recettes provenant de toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit, effectuée en violation des droits de l'auteur ;

4º La suspension, par tout moyen, du contenu d'un service de communication au public en ligne portant atteinte à l'un des droits de l'auteur, y compris en ordonnant de cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, de cesser d'en permettre l'accès. Dans ce cas, le délai prévu à l'article L. 332-2 est réduit à quinze jours.

Le président du tribunal de grande instance peut, dans les mêmes formes, ordonner les mesures prévues aux 1º à 4º à la demande des titulaires de droits voisins définis au livre II.

Le président du tribunal de grande instance peut, dans les ordonnances prévues ci-dessus, ordonner la constitution préalable par le saisissant d'un cautionnement convenable.

Article 11 du projet de loi

L'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

I.- Au premier alinéa, après les mots : « illicite de cette œuvre » sont insérés les mots : « ou tout exemplaire, produit, appareil, dispositif, composant ou moyen portant atteinte aux mesures techniques de protection et d'information mentionnées aux articles L. 331-5 et L. 331-10 ».

II.- Au 1°, après les mots : « illicite d'une œuvre » sont insérés les mots : « ou à la réalisation d'une atteinte aux mesures techniques de protection et d'information mentionnées aux articles L. 331-5 et L. 331-10 ».

III.- Au 2°, après les mots : « illicite de l'œuvre, déjà fabriqués ou en cours de fabrication » sont insérés les mots : « ou des exemplaires, produits, appareils, dispositifs, composants ou moyens, fabriqués ou en cours de fabrication, portant atteinte aux mesures techniques de protection et d'information mentionnées aux articles L. 331-5 et L. 331-10 ».

IV.- Au 3°, après les mots : « des droits de l'auteur » sont insérés les mots : « ou provenant d'une atteinte aux mesures techniques de protection et d'information mentionnées aux articles L. 331-5 et L. 331-10 ».

Autrement dit, vouloir contourner ces mesures, même pour un motif légitime, par exemple exercer son droit à la copie privée, est illégal. Le collège de médiateurs indépendant peut éventuellement arranger la situation, mais ça m'a l'air pénible, et consommateur de temps.

Ce qu'il est illégal de faire

A partir de l'article précédent, on peut se faire une petite idée de ce qu'on ne peut pas faire (la liste n'est pas exhaustive).

  • Acheter de la musique sur iTunes Music Store pour la jouer sur un lecteur incompatible : pour que le lecteur puisse rejouer la musique, il faut en effet enlever la mesure technique de protection FairPlay pour recoder la musique dans un format compatible avec le lecteur. On peut se retrouver dans cette situation si il y a une exclisivité, comme pour la sortie d'un single de Madonna exclusivement pour les abonnées d'Orange. Ou bien si le lecteur n'est pas prévu pour lire le format utilisé.
  • Acheter de la musique sur FNAC Music ou Virgin Mega, par exemple, pour la jouer sur un lecteur iPod : pour que le lecteur puisse rejouer la musique, il faut en effet enlever la mesure technique de protection WMA pour recoder la musique dans un format compatible avec le lecteur. On peut se retrouver dans cette situation si il y a une exclisivité, comme pour la sortie d'un single de Madonna exclusivement pour les abonnées d'Orange. Ou bien si le lecteur n'est pas prévu pour lire le format utilisé.
  • Acheter un CD et utiliser un ordinateur avec système d'exploitation Linux ou MacOS pour le lire : Linux et MacOS n'installeront pas les mesures technique de protection, majoritairement conçues seulement pour le système d'exploitation Microsoft Windows. En fait, l'utilisation même de Linux ou MacOS, qui ne respectent pas toutes ou certaines mesures techniques de protection, est illégale, en vertu du 2ème de l'article 332-1 modifié.
  • Acheter un DVD et utiliser un ordinateur avec un programme de lecture non autorisé pour le lire : certains programmes de lecture des DVD, comme Vidéo Lan Client par exemple, contournent les mesures techniques de protection d'un DVD (ce qui permet aussi de passer la pub et les messages d'avertissement).
  • Acheter un lecteur DVD, puis le faire dézoner pour lire des DVD achetés à l'étranger : le dézonage porte atteinte aux mesures techniques de protections (le vérouillage géographique) installées dans le lecteur.
  • Acheter une console de jeu, puis la modifier (modchip) pour utiliser des jeux achetés à l'étranger : la modification porte atteinte aux mesures techniques de protections (le vérouillage géographique) installées dans la console.

Pour résumer, l'utilisation normale dans le cadre privé, d'un média protégé par une mesure technique, bien que ce média ait été acquis de manière toute à fait licite, peut se révéler illégale. Pour éviter cette situation, on va donc privilégier certains achats, et en éviter d'autres

Ce qu'il ne faut pas acheter pour éviter tout risque

A partir de la liste précédente, on en déduit tout naturellement une liste des produits à éviter. Cependant, si vous décidez d'acheter quand même ces produits, vous acceptez de vous soumettre aux conditions d'utilisations définis par les ayants droits, sans tenir compte de vos droits légitimes (droit à la copie privée par exemple, ou encore prêt à un ami, etc...). Rappelez vous aussi que pour certains produits, les ayants droits peuvent changer à tout moment les conditions d'utilisations, avec votre acceptation plus ou moins tacite ou forcée. Par exemple à l'accasion de la mise à jour d'un logiciel de lecteur. Plus que jamais, lisez les contrats de licence, c'est long et fastidieux, mais c'est vital (signez-vous un contrat avec votre banquier sans lire toutes les clauses, même celles en tout petits ?).

Les DVD et ses successeurs (BluRay Disc, HD-DVD)

Risque de lecture illégale si on dézone le lecteur ou si on utilise un programme de lecture non autorisé.

Les successeurs annoncés des DVD, le Blu-ray disc et le HD-DVD, utiliseront le système AACSLA (Advanced Access Content System License Administrator, Administrateur de Licences du Système Avancé d'Accès au Contenu). Parmi les spécifications de ce système, on note la fonctionnalité suivante

Support revocation of individual compromised devices’ keys. (Support de la révocation des clés [de décodage] d'un appareil compromis)

Autrement dit, un lecteur peut tomber définitivement "en panne" si on s'aperçoit que son vérouillage peut être enlevé, cette "panne" sera provoqué lors de l'insertion d'un média contenant un code de révocation pour votre appareil. Chaque nouveau film qui sortira contiendra une liste à jour de codes de révocations.

Vous pouvez cependant acheter des DVD et ses successeurs et les lecteurs appropriés si vous ne vous intéressez pas à la culture étrangère hors de votre zone géographique, et si vous avez les moyens de remplacer votre lecteur régulièrement.

Les "CD" protégés contre la copie

Les mesures de protections techniques sont inopérantes avec certains systèmes d'exploitation. De plus, certaines mesures de protections rendent l'ordinateur vulnérables aux virus, vers et autres, comme l'a illustré l'affaire des rootkits de Sony-BMG

Si on a plusieurs baladeurs numérique (famille, téléphone portable, remplacement, etc...) on peut dépasser le maximum de copies autorisées, vous privant ainsi de votre droit à la copie privée.

De plus certains lecteurs comme les autoradios ne supportent pas certaines protections.

Vous pouvez cependant acheter des CD protégés si vous n'utilisez pas un ordinateur ni un autoradio pour les lire, et si vous ne comptez pas transférer la musique sur votre baladeur.

La musique en ligne protégée

Les mesures de protections techniques sont incompatibles les unes avec les autres ce qui force l'achat d'un lecteur compatible. Si on a plusieurs baladeurs numérique (famille, téléphone portable, remplacement suite à une perte ou un vol, etc...) on peut dépasser le maximum de copies autorisées, vous privant ainsi de votre droit à la copie privée.

Vous pouvez cependant acheter de la musique en ligne protégée si vous ne craignez pas de perdre votre musique lors d'un changement de baladeur ou de disque dur (bris, vol, remplacement, etc...).

Les jeux vidéos sur console
Vous pouvez cependant acheter ces jeux et les consoles appropriés si les jeux vidéo hors de votre zone géographique ne vous intéresse pas.

Encore une fois, le collège de médiateur pourra éventuellement débloquer certaine situation, mais franchement, pourquoi gâcher son temps en procédure ? En évitant ces produits, on s'évitera bien des tracas.

Ce qu'on peut acheter sans danger

Le principe est simple : si il n'y a pas de mesure technique pour protéger un contenu, alors il n'y a pas de risque juridique pour une utilisation légitime. Là aussi la liste n'est pas exhaustive.

La cassette audio et le disque vinyl

Ce sont des média analogiques qui s'usent vite et ne sont pas pratiques concernant l'accès à une chanson. Mais on peut les numériser et graver un CD audio ou les transférer sur le baladeur numérique de son choix pour en profiter pleinement.

En revanche, le catalogue disponible n'est pas aussi riche que pour les CD audios. Les disques vinyles coûtent chers.

Les CD audios "véritables"
Un "vrai" CD audio (conforme au "livre rouge", les spécifications officielles) ne contient aucune mesure technique de protection. Il faut faire attention, car le logo pour les CD protégés est récents. Certains albums se présentent comme de "vrais" CD alors qu'il n'en est rien. EMI a été condamné pour ça.
Les livres imprimés
Le papier ne possède pas encore de mesures techniques de protection.
La musique libre sur internet
Musique légale et gratuite à télécharger, Jamendo. En plus les auteurs de ces créations autorisent le libre partage de leurs créations.

Les moyens de substitution

Quelques pistes, liste non exhaustive.

Aller au cinéma
Aller au cinéma, c'est l'occasion de sortir en famille, en amoureux, entre copains. C'est l'occasion de profiter d'un grand écran, d'une bonne sonorisation. On peut aussi se faire plaisir et aller au restaurant avant ou après.
Aller à un concert
C'est l'instant magique, la communion avec ses artistes préférés.